Partout au Canada où la responsabilité élargie des producteurs (REP) est en train de s’installer pour les emballages, les imprimés et les contenants, comme les contenants multicouches, les centres de tri existants voient leur rôle se transformer de façon substantielle. Lors des visites de centres de tri que nous avons faites ces derniers mois, cette transformation était — on peut le comprendre — sur toutes les lèvres. Malgré plusieurs similitudes, le déploiement de la REP se déroule différemment dans chaque province. Pour ce billet, nous avons voulu en apprendre plus sur comment les choses se passent au Québec.
Le Québec compte une vingtaine de centres de tri de la collecte sélective qui sont en processus de transition vers le système entièrement géré par Éco Entreprises Québec (ÉEQ). Ce nouveau système entrera officiellement en vigueur après le Nouvel An. Nous avons récemment rencontré Mathieu Guillemette, vice-président, Collecte sélective chez ÉEQ pour qu’il nous décrive les principaux changements que subissent les centres de tri existants et l’approche qu’adopte ÉEQ pour les intégrer.
Le premier changement d’importance à noter est la conversion des centres de tri existants en fournisseurs de services pour ÉEQ, alors qu’ils recevaient auparavant leur mandat des municipalités. ÉEQ a déjà conclu des ententes avec plusieurs des centres de tri du Québec et les pourparlers avec ceux qui restent progressent bien, assure Mathieu Guillemette.
Ces contrats recentrent le rôle de ces partenaires essentiels de la chaîne de recyclage sur le tri des matières de la collecte sélective. Auparavant, les fonctions des centres de tri étaient souvent beaucoup plus vastes. Plusieurs centres de tri étaient impliqués dans le choix des matières acceptées dans le bac de récupération de leur région et dans l’éducation aux citoyens, et étaient eux-mêmes responsables de trouver des acheteurs pour les matières qu’ils triaient et d’organiser le transport vers les débouchés. Toutes ces responsabilités incomberont désormais à ÉEQ. Mathieu Guillemette met particulièrement l’accent sur le fait qu’il n’y aura plus de variation dans les matières acceptées par les centres de tri. Une seule et même liste de matières sera appliquée à l’échelle de la province, ce qui simplifiera grandement la vie des citoyens.
Malgré ces changements, tous les centres de tri pourront préserver leur modèle d’affaires historique. Il existe une diversité de modèles de centres de tri au Québec, ce qui constitue une force du réseau québécois d’après Mathieu Guillemette. Ce réseau comprend des entreprises privées, des organismes municipaux, une coopérative et des organismes sans but lucratif (OSBL). Le vice-président d’ÉEQ précise notamment que les centres de tri qui offrent des emplois à des personnes vivant avec des limitations fonctionnelles pourront poursuivre leur mission. Dans le même ordre d’idée, les centres de tri existants demeureront des entités autonomes : ÉEQ ne compte devenir propriétaire, gestionnaire ou actionnaire d’aucun d’entre eux.
Les ententes avec les centres de tri sont quand même assorties de critères de performance et d’exigences opérationnelles qui doivent permettre à ÉEQ de répondre à son tour aux obligations fixées à son égard par le gouvernement provincial. Pour chaque centre de tri, les ententes établissent, par exemple, des cibles de capture et de pureté des ballots, de même que des attentes en matière d’entreposage des ballots afin de préserver leur qualité pour la vente, de maintenance des équipements, et de santé et sécurité des employés. Dans le cas des centres qui effectuaient déjà le tri séparé des contenants multicouches dans leurs propres ballots plutôt que de les inclure avec d’autres matières fibreuses, les ententes prévoient aussi qu’ils maintiennent cette pratique, même si on s’attend à une réduction de leur quantité en centre de tri à la suite de l’élargissement de la consigne aux contenants multicouches de boissons à partir du 1er mars, 2025.
Afin de satisfaire toutes ces exigences, des investissements dans la modernisation de quelques-uns des centres de tri sont encore requis, de même qu’un certain délai avant que tous soient en mesure d’atteindre les rendements attendus. Mathieu Guillemette chiffre à quelques dizaines de millions de dollars les investissements déjà prévus à court terme à travers le réseau. ÉEQ collabore présentement avec les centres de tri à la planification de ces investissements et à leurs échéanciers.
Cette collaboration semble illustrer l’approche globale adoptée par ÉEQ pour intégrer les centres de tri existants dans le nouveau système. Avant même que débutent les négociations sur les ententes individuelles, ÉEQ avait mis sur pied des comités pour discuter des meilleures façons de répondre collectivement aux obligations réglementaires. Au dire de Mathieu Guillemette, les négociations qui ont suivi et se poursuivent en ce moment même sont menées dans un esprit de coopération et dans le respect des réalités de chacun. Durant la phase d’implantation qui s’amorcera dans la nouvelle année, ÉEQ offrira aussi un accompagnement actif aux centres de tri. Entre autres mesures, une équipe de terrain se mettra à sillonner le Québec, pas simplement pour vérifier que les centres répondent aux attentes, mais bel et bien pour travailler avec eux afin de les aider à atteindre leurs objectifs, dans le but que le nouveau système de collecte sélective, avec tous ses acteurs, fonctionne au mieux dans l’intérêt de l’ensemble du Québec.